Histoire, Littérature française

L’élimination

L’élimination de Rithy Panh, 2012


Dans son documentaire « S21, la machine de mort khmère rouge », Rithy Panh a raconté comment, de 1975 à 1979, 17 000 personnes ont été torturées, interrogées puis exécutées dans le centre S21.
S21 n’est, hélas que l’un des nombreux centres ouverts au Cambodge sous le régime des Khmers rouges.
Sept personnes seulement survécurent aux horreurs de S21 et le cinéaste fit témoigner deux d’entre elles.
Le film est puissant, saisissant, souvent insoutenable, mais je vous le recommande (on peut le trouver sur internet). Il ne s’agit pas de s’adonner au voyeurisme malsain, mais de s’informer et surtout de réfléchir.

La réflexion, couplée au désir de comprendre, est justement le moteur de Rithy Panh.
Quelques années après la sortie de son documentaire, il a souhaité le compléter.
Pour schématiser, le film montre et raconte, le livre tente de comprendre l’origine du mal.
De comprendre l’incompréhensible. De trouver des explications, des causes à ce mal absolu qui a permis que des hommes aient pu infliger tant de souffrances à d’autres hommes. Sans états d’âme et d’une façon systématique.
« Qui proteste est un ennemi, qui s’oppose est un cadavre ! » : les slogans khmers rouges sont clairs !

On peut légitimement se demander comment un être dit humain peut être à ce point barbare, et faire subir autant d’horreurs à ses semblables.
Eh bien, c’est simple, il suffit de ne pas considérer sa victime comme humaine, de refuser de la voir semblable à soi : « Duch est un idéologue : les ennemis sont des déchets, à traiter puis à détruire. C’est une tâche pratique, qui pose des problèmes d’hygiène, de mécanique et d’organisation. »
Ça ne vous rappelle rien cette déshumanisation de ceux qu’on cherche à anéantir ? le nazisme, évidemment ! Les idéologies ont bien des points communs et sont toutes destructrices.
L’auteur en est d’ailleurs bien conscient puisqu’il écrit : « À dix-huit ans, je découvre « Nuit et brouillard » d’Alain Resnais. Je suis surpris. C’est pareil. C’est ailleurs. C’est avant nous. Mais c’est nous. »
Trente ans après les faits, Rithy Panh interroge celui qui a été le chef d’un centre de torture et d’exécution et la personnalité de celui-ci est glaçante.

Rithy Panh analyse avec le recul et son intelligence d’adulte les évènements qu’il a vécus enfant et dont sa famille a souffert ; son livre est le fruit de ses réflexions et il est d’une force inouïe.
C’est un ouvrage indispensable pour essayer de comprendre comment une idéologie a pu transformer des gens ordinaires en monstres sans limites, capables des pires atrocités.

[Entre 1975 et 1979, le régime des Khmers rouges a causé la mort de 1,7 millions de Cambodgiens, soit le tiers de la population du pays.]

Histoire, Société

L’enfance du crime

L’enfance du crime de Pierre Lassus, 2008


Pierre Lassus est psychothérapeute. Dans cet essai, il nous offre une plongée dans le monde des criminels. Non pas par voyeurisme malsain, mais pour essayer de comprendre l’origine de leur comportement déviant. Et son verdict est sans appel : « Il n’existe pas de criminels ayant eu une enfance heureuse. »
Pour étayer sa théorie, l’auteur l’illustre de très nombreux exemples.

Dans une première partie intitulée « Criminels », il retrace l’enfance d’un grand nombre de criminels, qu’il classe en deux catégories : les « criminels ordinaires », tels Ted Bundy ou Guy Georges et les « criminels d’état » comme Adolf Hitler ou Ivan le Terrible.
Dans chacun des portraits, il analyse l’enfance du sujet, et ce qu’il nous raconte est toujours saisissant.
La seconde partie est intitulée « le déni et le soin ».
Le déni c’est, nous dit-il, ce triple refus de voir la réalité : de la part du coupable (ça se comprend !), de la victime (trop sidérée pour admettre l’ampleur de ce qui lui arrive), mais aussi des observateurs (les actes commis sont souvent si barbares qu’on ne peut accepter l’idée qu’ils aient été commis par un être humain).

Dans les dernières pages, Pierre Lassus évoque les soins, mais avant tout la prévention.
Il plaide de manière fort convaincante la cause des enfants, qui selon lui doivent à tout prix être protégés des adultes, lorsqu’ils sont défaillants, fussent-ils leurs parents. Des parents à qui il va jusqu’à refuser ce titre de « parents », ne leur accordant que l’appellation de « géniteurs ».
Pierre Lassus se place sans ambiguïté du côté des enfants : « On pourrait alors en finir avec ce maintien imposé des liens entre les parents criminels et les enfants victimes, avec ces visites « médiatisées » de la petite violée à son « papa » incarcéré, avec ces rencontres en terrain « neutre » et sous le regard supposé vigilant d’intervenants sociaux (il faut quand même bien empêcher des passages à l’acte dans le cadre de l’institution sociale) entre des petits apeurés et leurs ex-tortionnaires. Toutes ces pratiques n’ont en fait d’autres justification que le « droit » des parents, et elles ignorent résolument le « droit » des enfants à être protégés, à grandir en paix, loin des menaces et des manipulations perverses. « 

Un essai assez complet, qui ouvre de nombreuses pistes de réflexion. Une lecture que j’ai trouvée très enrichissante.

Histoire, Littérature française

Où passe l’aiguille

Où passe l’aiguille de Véronique Mougin, 2018


Tomi a quatorze ans. C’est un ado espiègle, effronté et débrouillard.
Malin et cabochard.
Terriblement attachant.

Au début du récit, nous sommes en Hongrie, en 1944.
Tout pourrait très bien aller pour le jeune garçon : son père est tailleur, c’est un artisan reconnu qui rêve de transmettre son savoir-faire à son fils. Mais celui-ci, têtu en diable, refuse obstinément de suivre la voie tracée pour lui.
Ah, j’ai juste oublié une précision, une petite chose qui n’aurait pas dû avoir d’importance, et qui pourtant a bouleversé à l’époque le destin de millions d’êtres humains : Tomi et sa famille sont juifs.
Déporté avec les siens, Tomi voit sa vie basculer et il va tenter, comme tant d’autres, de survivre dans l’enfer des camps.

Un énième livre sur ce sujet me direz-vous ? Il est vrai que nombre d’écrivains ont écrit sur cette période.
Mais cet ouvrage est différent.
Tout d’abord parce que le thème principal n’est pas le récit de la vie dans les camps, malgré la place qu’il occupe, mais la vie après.
Que va faire Tomi après ces mois atroces ? Comment va-t-il construire sa vie ? Pourra-t-il être heureux, lui qui dira plus tard que « le seul problème du bonheur, c’est la peur » ?
Ensuite, parce que l’histoire qui paraît trop incroyable pour être vraie est inspirée d’une histoire réelle : celle d’un grand cousin de l’auteur.
Enfin, parce que Véronique Mougin fait preuve de beaucoup de délicatesse dans sa façon de raconter et qu’elle utilise une écriture simple mais qui dégage beaucoup de force.

Où passe l’aiguille se situe à l’intersection des témoignages historiques et des récits fictifs.
Il nous invite à un incroyable voyage humain, de l’horreur des camps à la splendeur de l’univers de la haute couture.
L’aiguille passe partout, dans tous les tissus, c’est un fait bien connu. Ce que vous découvrirez dans ce roman, c’est que le salut passe par l’aiguille, la renaissance passe par l’aiguille, la vie passe par l’aiguille.

Un très beau roman, prenant et émouvant.

Je termine par une réflexion personnelle.
Nul ne peut ignorer ce que les Juifs ont subi pendant la seconde guerre mondiale ; nul ne peut ignorer ce que signifie l’étoile jaune qu’ils étaient obligés de porter.
Les étoiles jaunes portées par des manifestants « contre l’islamophobie » et par certains politiciens en novembre 2019 étaient donc particulièrement ignobles, la vie des musulmans en France n’étant en rien comparable au sort des Juifs de l’époque.

Histoire, Littérature tchèque

Vivre avec une étoile

Vivre avec une étoile de Jiří Weil, 1949


Vivre avec une étoile.
Avec une danseuse étoile ? Avec une bonne étoile au-dessus de sa tête ?
Non, vous n’y êtes pas du tout.
L’étoile dont il est question ici est jaune et cousue sur les vêtements.

Jiří Weil ne montre pas directement les camps, les horreurs, les exterminations, mais par la voix du narrateur Josef Roubiček nous fait comprendre la vie de ceux qui portent cette étoile.
De ceux qui tentent de survivre au milieu de règles de jour en jour plus contraignantes et absurdes, dans l’angoisse permanente d’entendre leur numéro appelé pour le départ du prochain convoi.

Cette étoile jaune est une condamnation à mort, et ce qui rend la situation psychologiquement encore plus lourde, c’est que nul ne sait quand son heure viendra.
Comment vivre quand une telle incertitude pèse sur vous ? Peut-on vraiment vivre, ou ne fait-on que survivre lorsque l’on sait que son temps est compté ?
Peut-on vivre quand les autres, blasés par les rafles et assassinats à répétition, vous considèrent comme déjà mort ?
Voilà les graves questions qui traversent ce roman.

Mort, vous ne vaudrez plus rien, mais par anticipation, vous ne valez pas plus de votre vivant : « Et parce que leur mort n’avait aucune valeur, leur vie, elle non plus n’en avait pas. » Vous êtes une sorte de mort-vivant.
Vous êtes pris en tenaille entre deux mouvements contradictoires.
Votre raison sait l’inéluctabilité de la fin proche, mais votre instinct de survie vous donne la force de vous battre jour après jour, heure après heure, pour rester en vie ne serait-ce qu’un instant de plus :
« Nous n’aurions pour rien au monde admis que notre vie n’avait aucune valeur, parce que c’était la nôtre, unique, irremplaçable. »

Josef Roubiček est à la fois combatif et résigné, et son histoire est bouleversante.
Le récit est sans emphase, laconique, et tout est écrit d’une façon uniformément neutre, comme détachée. Qu’il s’agisse d’une chose anodine ou d’un événement gravissime, le ton employé est le même.
L’auteur s’est appliqué à tout gommer : la ville dans laquelle se situe l’histoire n’a pas de nom, pas plus que ceux dont le lecteur devine l’identité mais qui ne sont désignés que par « Ils », « Eux », ou autres termes écrits avec des majuscules. Ils portent des majuscules parce qu’ils sont omniprésents, qu’ils terrorisent et contrôlent tout, mais sont tellement méprisables qu’ils ne méritent pas d’être nommés.
Le résultat de ce choix stylistique est saisissant : Jiří Weil dit peu, mais le lecteur ressent beaucoup.

Dans sa solitude quotidienne, Josef Roubiček parle à un chat errant qui vient régulièrement lui rendre visite et qu’il a baptisé Thomas.
Le choix de ce prénom n’est sans doute pas innocent : donner un nom humain procure à Josef l’illusion de s’adresser à un homme et non un animal, et montre au lecteur que le félin a davantage de valeur que ceux qui ne sont pas nommés.
L’attachement que Josef développe pour Thomas est terriblement touchant et renforce chez le lecteur la prise de conscience du tragique de sa situation.

Un roman qui prend aux tripes, un chef-d’oeuvre de plus de cet écrivain tchécoslovaque dont le Mendelssohn est sur le toit m’avait déjà ébranlée.

La note liminaire indique : « Sur les 75 000 Juifs de Tchécoslovaquie, environ 57 000 périrent en camp. »
Nous ne devons pas les oublier et nous battre pour que la bête immonde ne revienne plus jamais, mais nous devons aussi garder notre lucidité et combattre de toutes nos forces un autre fascisme qui prend actuellement de l’ampleur et qui n’a malheureusement rien à envier au nazisme : l’islamisme.

Je termine par une demande que j’adresse aux éditeurs : rééditez Vivre avec une étoileMendelssohn est sur le toit, ainsi que les autres ouvrages de Jiří Weil. C’est un grand écrivain, dont le talent a été reconnu, entre autres, par Phliip Roth qui loue dans la préface sa « capacité d’écrire sur la barbarie et la douleur avec un laconisme qui semble être en soi le commentaire le plus féroce qu’on puisse faire sur ce que la vie a de pire à offrir ».
L’oeuvre de Jiří Weil ne doit pas se perdre.

Si vous avez la chance de trouver ce roman dans une bibliothèque ou dans une brocante, n’hésitez pas.
Bonne lecture !

Histoire, Littérature française

Berezina

Berezina de Sylvain Tesson, 2015


Une petite plongée dans l’Histoire vous dit ? L’histoire napoléonienne précisément.
Mais ne vous attendez pas à un récit conventionnel, c’est Sylvain Tesson qui se propose de vous emmener.
Pour commémorer le bicentenaire de la retraite de Russie, l’écrivain-voyageur a eu envie de refaire la route suivie par l’armée française, désireux qu’il était de « faire offrande de ces quatre mille kilomètres aux soldats de Napoléon. »
Voilà déjà un point de départ original, mais comme si cela ne suffisait pas, le voyage va se faire à bord d’une Oural, moto soviétique équipée d’un side-car. La photo de couverture montre le véhicule portant fièrement une copie de drapeau d’époque, et ce cliché qui prête à sourire, voire à rire, illustre bien le côté un peu fou de cette aventure.
Sylvain Tesson ne s’attend pas à une partie de plaisir (ce n’est certainement pas ce qu’il recherche) et prévient d’emblée : « Ça n’allait pas être le cauchemar de 1812, certes, mais ce serait plus sportif qu’un pique-nique en Toscane. »

L’auteur s’est choisi des compagnons de route à son image : des originaux.
Les portraits qu’il en dresse sont savoureux et donnent le ton du livre. Je ne résiste pas au plaisir d’en copier quelques extraits :
« Gras, 30 ans, avait conservé des comportements infantiles. Il buvait trois litres de jus d’ananas par jour, nageait deux heures à la piscine, se nourrissait de chocolat, et ressemblait à un champion de hockey neurasthénique. Il vivait depuis huit ans dans l’ancien Empire soviétique, il avait appris le russe à Omsk, séjourné quatre ans à Vladivostok. Il aimait le silence et avait trouvé la Sibérie à la mesure de sa mélancolie. […] Quand nous partions marcher dans la forêt ou que nous nous lancions dans l’ascension d’un sommet, il mettait un point d’honneur à ne pas emporter assez d’équipement. Il prenait la prévoyance pour une vulgarité. […]
Goisque, lui, offrait un archétype plus terrien. Il n’aurait pas déparé dans une tranchée du Soissonnais. Il était picard, attaché à sa terre comme un soulier à la glaise. […] Depuis vingt-cinq ans, il photographiait le monde pour la presse française. […]
En reportage, Goisque n’avait qu’une obsession : la lumière. C’était sa passion, son obsession. Si le ciel avait été beau pendant la journée, il pouvait se coucher par terre, dans le froid, avec un os à ronger et un sourire de bienheureux. Mais, si la lumière foirait, le plus luxueux des hôtels et la plus amicale compagnie ne pouvaient le distraire de sa ratiocination. […]
J’avais donc à mes côtés un dandy pessimiste et un monomaniaque du photon.
La fine équipe. »

Dans le récit, la tragédie de la retraite napoléonienne et l’exubérance du périple moderne ne sont pas simplement juxtaposées, mais entremêlées, l’écrivain passant avec sa verve et son inventivité habituelles d’une époque à l’autre. Les réflexions de tous ordres fusent et le lecteur a l’impression de voir une pellicule photo d’antan qui aurait été exposée deux fois.
La faille spatio-temporelle est vertigineuse et l’ensemble du texte est jubilatoire.

Une savoureuse plongée dans l’Histoire, la culture et la fantaisie de Sylvain Tesson en plus, faisant de ce livre à la fois cocasse et instructif un excellent cocktail.
Par exemple, connaissez-vous le rôle joué par les chevaux lors de cette désastreuse retraite ?
Eh bien, je ne vous en dirai rien, et vous invite à monter à votre tour dans le side-car : venez, vous découvrirez tout.

Histoire, Littérature française

Chaudun, la montagne blessée

Chaudun, la montagne blessée de Luc Bronner, 2020


Extrait du journal « L’Illustration » du samedi 24 août 1895 :
« L’administration des Forêts vient d’acheter pour le service du reboisement la commune de Chaudun (Hautes-Alpes). Toutes les propriétés communales et privées, comprenant une superficie de 2 026 hectares, ont été vendues à l’État pour le prix de 186 000 francs environ. La commune de Chaudun comprenait 98 habitants vivant du produit de leurs pâturages ; mais depuis quelques années les montagnes déboisées avaient perdu une partie de leurs prairies où l’on faisait paître un trop grand nombre de moutons. L’altitude de Chaudun est à 1 400 mètres, et son éloignement de Gap (19 kilomètres), ne permettant pas aux habitants de se créer de nouvelles ressources pour remplacer celles que leur donnaient les pâturages, la commune avait elle-même demandé à être acheté par l’État. Les formalités exigées pour cette opération ont duré plus de quatre ans. Les photographies que nous reproduisons représentent des vues de Chaudun, de la commission chargée d’acheter les propriétés ; nous y voyons le dernier maire de Chaudun, assis sous la cloche de l’église, dont la construction remonte au quinzième siècle. »

Voilà des lignes bien intrigantes !
De nombreuses réflexions me viennent à l’esprit. Comment un village entier a-t-il pu demander à l’État de le racheter ? Faut-il que les conditions de vie aient été terribles pour en arriver à cette extrémité ! Comment ont-ils vécu ces 98 habitants cités dans l’article ? Et que sont-ils devenus après leur départ ?

Luc Bronner a été intrigué lui aussi, et a mené un énorme travail de recherche : il a consulté des archives, des registres, il a interrogé. Il s’est rendu sur place et a en particulier étudié les noms et les dates qu’il a pu voir dans le cimetière ; il a ainsi reconstitué des familles entières.
Son livre, sous-titré « récit », raconte l’histoire de Chaudun et constitue un excellent documentaire, montrant la façon dont on vivait dans certains villages de montagne à la fin du XIXe siècle.
L’auteur dit avoir voulu « faire revivre les hommes de Chaudun » : il y est très bien arrivé, parce que le lecteur se représente bien la vie dans cette petite commune, la dureté du quotidien, la pauvreté constante, les luttes permanentes qu’il faut mener pour survivre.

Chaudun est très mal situé, et l’on se demande comment des hommes ont pu avoir l’idée de bâtir un village à cet endroit.
Un préfet (Charles-François Ladoucette) nommé dans les Hautes-Alpes en 1802 y a été très actif. C’est lui, entre autres, qui a ordonné la construction de la route qui monte au col de Montgenèvre, tout proche de la frontière italienne. Il a laissé quelques écrits sur l’histoire du département, et l’on peut lire sous sa plume : « De par sa position au milieu des montagnes élevées, Chaudun est privé pendant quarante jours de la vue du soleil. L’époque de son retour est un jour de fête pour les habitants ; ils le célèbrent en venant en procession sur la partie du territoire où il reparaît pour la première fois. »

La longue absence annuelle du soleil et la rudesse du climat sont deux des difficultés que présente la vie à Chaudun, mais ce ne sont pas les seules.
Les villageois avaient besoin d’élever des animaux pour vivre, mais ceux-ci, trop nombreux, ont épuisé les pâturages qui sont devenus insuffisants.
Ils avaient également besoin de bois pour se chauffer et pour réparer leurs maisons, et en quelques décennies les forêts alentour ont été ravagées.
Il y avait « trop d’hommes et de femmes, trop de bêtes à nourrir » : c’est un cercle vicieux, car pour vivre, les habitants ont été obligés d’épuiser leur environnement… qui est donc devenu invivable.
Qu’auraient-ils pu faire d’autre ? Rien. Ils n’avaient pas le choix.

Je me permets ici une petite digression.
Le problème de surconsommation et de surexploitation des ressources naturelles que nous connaissons actuellement n’est pas nouveau, ce livre en témoigne.
Mais il y a une différence de taille entre autrefois et aujourd’hui.
Jadis, nos ancêtres produisaient et consommaient ce dont ils avaient besoin pour vivre ; actuellement nous consommons quantité de choses totalement inutiles, juste parce que la publicité nous a convaincus que nous en avions besoin, que nous serions malheureux sans cela.
Les habitants de Chaudun se sont battus pour vivre, c’est tout. Et ils ont jeté l’éponge quand leur environnement ne leur a plus permis de survivre.
La lettre qu’ils ont écrite au Ministre de l’Agriculture, dans laquelle ils racontent leur désarroi et demandent s’ils peuvent obtenir des terres en Algérie (en « Afrique française »), serre le coeur. On sent le soin mis à rédiger ces lignes, fruits vraisemblablement d’un travail collectif de malheureux qui s’avouent « vaincus par l’indigence ».

Quitter Chaudun a dû être terriblement difficile !
Il s’agissait certes de partir d’un endroit où la vie devenait quasiment impossible, mais cela signifiait aussi laisser sa maison, bâtie par ses ancêtres et transmise de père en fils depuis des générations. Laisser ses morts au cimetières. Laisser ses souvenirs. Laisser sa vie, pour partir vers l’inconnu.
Et se séparer les uns des autres.

Voilà une lecture plaisante et instructive, qui présente un réel intérêt historique.
Mais Chaudun, la montagne blessée n’est pas qu’une machine à remonter le temps : à travers l’histoire de ce petit village haut perché, c’est sur notre mode de vie que l’auteur nous amène à nous interroger.

« L’homme n’aura été qu’un passager clandestin, brutal et inconscient, si éphémère à l’échelle des rocs et des pics. […] Chaudun raconte notre passé, et notre futur probablement. »
À nous, collectivement, de faire en sorte que notre avenir ne soit pas si sombre.
Avec de l’écologie, de la vraie.
Pas celle qui impose des éoliennes à tour de bras alors qu’elles ne sont énergétiquement pas rentables, que leur construction et leur installation polluent, et qu’elles ne font qu’enrichir les industriels qui les produisent, « profiteurs de guerre » de notre époque.
Pas celle qui impose les voitures électriques alors que la pollution liée aux batteries usagées qu’on ne sait pas recycler est un vrai fléau et que pour les fabriquer on extrait du cobalt en quantité déraisonnable et dans des conditions épouvantables : au lieu d’aller à l’école, des enfants de la République démocratique du Congo travaillent dans des mines malsaines et dangereuses, dans lesquelles des effondrements réguliers tuent abondamment. Mais ici, des industriels sans scrupules, soutenus par des politiciens corrompus, nous vantent à grand renfort de publicité les mérites d’une voiture « propre ».
Ben, voyons !
Ils auraient tort de se gêner, ça fonctionne tellement bien !

Histoire, Littérature française

Les fleurs d’hiver

Les fleurs d’hiver d’Angélique Villeneuve, 2014


Un soldat revient de la guerre : cela pourrait (devrait ?) être joyeux : il a survécu tandis que tant d’autres familles sont endeuillées.
Mais ses blessures compliquent tout.
Comment se réjouir du retour d’un mari que l’on ne reconnaît plus, physiquement et psychologiquement ? Un mari qui était avant « un homme de chair et de mots » et qui maintenant cache son visage et reste obstinément muet ?
Un soldat qui a connu un conflit meurtrier, qui a vu des horreurs quotidiennes, qui a vu des camarades tomber, ne rentre jamais intact chez lui. Alors, imaginez s’il a en plus été gravement atteint dans sa chair, et qu’il a de ces blessures atroces au visage qui font de lui ce qu’on appelle une « gueule cassée » !

« Je veux que tu viennes pas. »
Voilà les mots terribles que Toussaint a envoyés à Jeanne alors qu’il était hospitalisé.
Quelle force dans cette injonction ! Ce n’est pas « Je veux pas que tu viennes. » mais bien « Je veux que tu viennes pas. »
La première formulation laisserait un espace, infime, mais un espace tout de même ; ce serait une porte très légèrement entrebâillée, que l’on aurait espoir de pouvoir ouvrir.
La seconde est définitive. Elle cadenasse tout à double tour.

Dans un style précis, soigné et poétique, Angélique Villeneuve nous montre les difficultés rencontrées par Toussaint et Jeanne.
Elles sont multiples et touchent aussi bien le soldat que sa femme.
J’ai trouvé ce point de vue très intéressant car peu souvent évoqué dans la littérature : on écrit volontiers sur la souffrance de celui qui a été directement touché, moins sur celle, cependant bien réelle, de ses proches.
Et pourtant !
Peut-on imaginer le désarroi de ces femmes dont le compagnon se retrouve défiguré à jamais ? de ces épouses qui ne reconnaissent plus l’homme d’autrefois, que ce soit dans son aspect ou son comportement ? Comment vivre à côté d’un « mari remplacé par un inconnu » ?
Comment accepter que l’homme que l’on aime soit devenu l’un de « ces pauvres bougres à peine regardables » ? Qu’il n’ose plus se montrer aux autres, ni à lui-même ?
Et les enfants ? Comment vont-ils réagir à la vue de ce papa qui fait peur ?

À travers l’histoire de Toussaint, Jeanne et leur petite fille, c’est sur tous les soldats mutilés qu’Angélique Villeneuve nous fait nous interroger.
Elle le fait de façon très subtile, révélant les choses petit à petit.
L’écriture ciselée fait de ce court texte une petite merveille, un régal à lire.
C’est beau, c’est fort, ça vous remue.

En écho à ce roman, je vous conseille La chambre des officiers de Marc Dugain.
Deux points de vue différents sur le même thème fort des gueules cassées de la première guerre mondiale : la confrontation des deux est très intéressante.
Dans le livre de Marc Dugain, Adrien est célibataire et durant la longue convalescence qu’il raconte, une pensée l’obsède : une femme voudra-t-elle de lui un jour ?
Dans le livre d’Angélique Villeneuve, Toussaint est marié et c’est sa femme Jeanne qui raconte son retour à la maison.
La succession des deux lectures les enrichit mutuellement et convainc plus que jamais de la richesse de la littérature, de ses possibilités infinies.
Vive les écrivains, vive les livres !

À l’heure où notre pays traverse une crise profonde, au moment où notre société est menacée par certains qui voudraient détruire notre civilisation, nous devons plus que jamais nous sentir reconnaissants envers ces soldats qui se sont battus pour la France et ont payé un prix si fort.
Leur sacrifice nous oblige.
Plus d’un siècle plus tard, honorons leur mémoire en résistant à notre tour.

Histoire, Littérature française

La chambre des officiers

La chambre des officiers de Marc Dugain, 1998

Les « gueules cassées ».
Nous connaissons tous ce qui se cache derrière cette expression. Nous avons vu des images difficilement soutenables dans des livres d’histoire.
Mais, a-t-on pensé à ces hommes, à leurs souffrances physiques et psychologiques, à la façon dont ils ont pu vivre après la guerre ?

Dans La chambre des officiers, Marc Dugain nous invite à la réflexion.
À travers le personnage d’Adrien, directement inspiré de son grand-père, et les autres protagonistes, il nous fait revivre le chemin de croix de ces soldats.
La blessure, l’arrivée à l’hôpital, le refus ou l’acceptation, l’envie de se battre ou de baisser les bras, le retour à la vie « normale » : chaque cheminement est unique mais de nombreuses difficultés sont communes.
Comment accepter son nouveau visage qui n’en est plus un ? Comment admettre l’idée que l’on ne retrouvera plus jamais son apparence ? Comment supporter le regard des autres ?
Comment imaginer reprendre ou trouver un travail, se présenter devant des gens, alors que l’on est soi-même horrifié par le reflet que renvoie le miroir ?
Comment imaginer se marier, avoir des enfants ? Peut-on espérer qu’une femme voudra de vous ?
Où trouver la force de vivre malgré tout, de refuser de rester caché pour le restant de ses jours ?

Dans un premier temps auprès du personnel de l’hôpital, admirable et dévoué. Auprès de médecins qui font naître un espoir fou, celui de reconstruire votre gueule cassée.
Alors les blessés, confiants, subissent des opérations à la chaîne, avec à chaque fois le rêve insensé de retrouver son visage d’avant. Jusqu’à la déception finale et l’obligation de finir par accepter ce qui était au départ inacceptable : il est des destructions irréversibles, et ce visage qui leur fait horreur est le leur jusqu’à la fin de leurs jours.

Grâce à Adrien et ses camarades d’infortune, nous comprenons mieux ce qu’ont vécu ces hommes partis la fleur au fusil et revenus la gueule en miettes.
Nous pouvons imaginer leur parcours et nous représenter leurs souffrances.
Par-delà les années, nous ressentons de l’empathie pour eux.
Une blessure grave au visage n’est pas une blessure comme les autres. Outre les problèmes fonctionnels qu’elle engendre (comment parler quand on a eu la mâchoire et le palais fracassés ?), elle change complètement la perception que les autres ont de vous, et votre propre perception.
Un visage ne peut pas se cacher, c’est là tout le problème.
On peut camoufler un bras blessé, on peut dissimuler une jambe manquante par le port d’une prothèse, mais le visage est la première partie de soi que l’on montre, il est l’élément majeur sur lequel se fonde la première impression que les autres ont de vous.
Comment des hommes jeunes, ainsi atteints, ont-ils poursuivi leur vie après la guerre ?

Ce premier roman de Marc Dugain est bouleversant et mérite complètement les nombreux prix qui lui ont été attribués.
Fin et délicat, profondément humain, il est d’une grande force et contient la juste dose d’humour nécessaire pour rendre le récit supportable.
La solidarité entre les blessés est très émouvante mais également infiniment triste car elle révèle chez eux une terrible angoisse : pareillement atteints, ils se comprennent parfaitement, mais les personnes extérieures vont-elles pouvoir en faire autant ?

La chambre des officiers est un roman magnifique. Un formidable hommage au grand-père de l’auteur et à toutes les gueules cassées.
À l’heure où notre pays traverse une crise profonde, au moment où notre société est menacée par certains qui voudraient détruire notre civilisation, nous devons plus que jamais nous sentir reconnaissants envers ces soldats qui se sont battus pour la France et ont payé un prix si fort.
Plus d’un siècle plus tard, honorons leur mémoire en résistant à notre tour.

En écho à ce roman, je vous conseille Les fleurs d’hiver d’Angélique Villeneuve.
Deux points de vue différents sur le même thème fort des gueules cassées de la première guerre mondiale : la confrontation des deux est très intéressante.
Dans le livre de Marc Dugain, Adrien est célibataire et durant la longue convalescence qu’il raconte, une pensée l’obsède : une femme voudra-t-elle de lui un jour ?
Dans le livre d’Angélique Villeneuve, Toussaint est marié et c’est sa femme Jeanne qui raconte son retour à la maison.
La succession des deux lectures les enrichit mutuellement et convainc plus que jamais de la richesse de la littérature, de ses possibilités infinies.
Vive les écrivains, vive les livres !

Histoire, Littérature française

Putzi

Putzi de Thomas Snégaroff, 2020

Putzi signifie en allemand « petit bonhomme ». Étrange surnom donné au pianiste Ernst Hanfstaengl qui mesurait près de deux mètres.
« Pour les uns il fut un traître ou un bouffon sans conséquence, pour les autres, l’un des artisans du mal. » nous dit la quatrième de couverture.
Mais qui se cache derrière Putzi ? Qui était vraiment Ernst Hanfstaengl ?
C’est ce que vous découvrirez dans ce livre.
Ou peut-être pas.
Car, même après la lecture, le personnage reste insaisissable.

Putzi n’était pas un dignitaire du parti nazi, c’était un second couteau, voire troisième ou plus.
Mais il rêvait de grimper dans cette hiérarchie funeste, il rêvait de devenir influent, de devenir indispensable.
En fait, il rêvait d’exister, et peu importe à travers quoi, à travers qui.
L’auteur ne veut en aucun cas l’absoudre, mais le présente comme désoeuvré, marié à une femme qu’il n’aime pas. Un insatisfait qui se cherche quelque chose de grand, qui court après la reconnaissance à tout prix.
Il se trouve que le nazisme avait le vent en poupe et que le musicien a cru trouver là un moyen d’assurer sa gloire.
Une coïncidence malheureuse ?

Thomas Snégaroff n’épargne pas Putzi et le présente comme un petit toutou servile auprès d’Hitler chez qui il guette le moindre signe d’encouragement.
Il peut passer de l’abattement le plus profond à la joie frénétique rien qu’à travers un mot, un fait insignifiant, un signe à peine perceptible : « Le Führer était devenu la boussole de son état d’esprit ».
Dans un autre contexte, le lecteur le prendrait en pitié ce pauvre homme bien falot et assez ridicule dans ses tentatives désespérées d’exister.
Mais la soif de reconnaissance a des limites morales, non ?

L’auteur a eu le mérite de s’intéresser à cet homme somme toute assez insignifiant, mais dont la vie, par le contexte historique et les personnes qu’il a fréquentées, ne l’est pas du tout.
Ce livre nous montre une autre facette du nazisme, un aperçu de ceux qui, à un moment ou un autre, ont entouré Hitler.
Les rivalités et les jeux d’influence dans un marigot nauséabond.

Une lecture qui permet de découvrir de nouveaux aspects de cette période sombre. Un ouvrage qui intéressera tous ceux qui aiment l’Histoire, et les autres, même s’il n’est pas exempt de défauts.
Par exemple, je n’ai pas vu l’intérêt de ne pas avoir suivi l’ordre chronologique : le « puzzle » proposé n’apporte rien de plus, à mon avis, et rend la lecture moins agréable.

Histoire, Littérature française, Montagne

Alpinistes de Staline

Alpinistes de Staline de Cédric Gras, 2020


Passionnant !
Voici un livre très bien écrit et extrêmement documenté, qui mêle habilement histoire de l’alpinisme et Histoire tout court.
Russophone, Cédric Gras a effectué un travail de recherche conséquent dans de nombreuses archives, dont certaines n’avaient jamais été ouvertes ; ce qu’il a trouvé lui a permis de construire un récit prenant de bout en bout.
Quand des éléments lui manquent, il comble les vides en imaginant un scénario probable, mais il en avertit toujours le lecteur, ce qui donne une grande crédibilité à son ouvrage.

« Les Abalakov sont des héros positifs comme l’Union soviétique en eut trop peu. À eux deux, ils furent de presque tous les coups, de toutes les premières. Ils racontent l’URSS, par le prisme des neiges. » nous dit l’auteur qui a choisi les emblématiques frères Vitali et Evgueni pour nous présenter une tranche de l’histoire de l’alpinisme soviétique et à travers elle, celle d’un régime terrible qui broyait les hommes sans état d’âme.

Sport et politique, un grand classique !
Les dictatures ont bien souvent exploité les sportifs, manipulés comme des pantins et exhibés pour la gloire des dirigeants.
Chacun sait comment Nadia Comanecci a été utilisée par Ceaucescu ; Cédric Gras nous montre qu’il en fut de même pour les frères Abalakov et bien d’autres alpinistes avec eux.
Conquêtes de sommets d’un côté, purges staliniennes de l’autre.
Si l’ascension d’un sommet encore invaincu est une affaire de prestige national, ne croyez pas pour autant que la valeureuse cordée victorieuse soit justement récompensée. De vaillants grimpeurs, courageux jusqu’au sacrifice d’eux-mêmes (certains y laissent leur vie, d’autres des doigts gelés qu’il faut amputer), sont parfois ignorés, voire dénigrés, ou même pourchassés et maltraités dans les tristement célèbres goulags dans lesquels certains disparaissent pour toujours. On n’entend plus jamais parler d’eux : c’est fini, ils n’existent plus.
Dans ce régime monstrueux l’arbitraire règne, la vie humaine n’a pas de valeur, et « tous les chemins mènent au goulag, même celui des cimes ». Des alpinistes ayant accompli des exploits sont torturés dans la tristement célèbre Loubianka, certains sont directement passés par les armes, et tout cela parfois sans que l’on sache pourquoi. « Le NKVD déniche des complots partout, chez les marins, les mineurs, les académiciens, les météorologues, les athlètes, que sais-je. »

Certaines pages font froid dans le dos, et pas seulement parce que nous sommes en très haute altitude !

Fort heureusement l’auteur prend parfois un recul salutaire, et ne manque pas d’humour pour raconter certaines scènes, comme lorsque de malheureuses cordées sont forcées de transporter des bustes de Lénine qu’elles ont l’obligation de déposer au sommet, prestige soviétique oblige.
Quand on pense au soin que les alpinistes mettent à la préparation de leur matériel, pesant chaque pièce de leur équipement et s’efforçant d’en minimiser le poids afin de prendre le moins de risque possible, ce genre de situation est d’un ridicule absolu.
Un ridicule qui tue parfois. Mais les dirigeants ne s’embarrassent pas de scrupules inutiles : quelques morts de plus ou de moins… et alors ?

Cédric Gras en savait certainement déjà beaucoup sur l’URSS, mais ce qu’il a découvert lors de ses recherches l’a abasourdi. Il nous le résume en quelques mots glaçants :
« J’ai découvert les noms des plus grands alpinistes de l’époque là où je n’aurais jamais imaginé les lire. Parce que ce qui fit le plus de ravages dans leurs rangs, ce ne furent ni les œdèmes en haute altitude, ni les chutes de séracs ou la foudre sur des arêtes effilées de rochers. Non, ce fut une calamité qui n’avait, croyait-on, rien à voir avec la montagne : les purges staliniennes. »
Quelle tristesse ! Quelle horreur !
Un régime qui élimine ses propres citoyens, allant jusqu’à supprimer les plus valeureux d’entre eux.
Une monstruosité qu’il ne faut jamais oublier.
Jamais !

Férus ou non d’alpinisme, si vous aimez l’Histoire, je ne peux que vous conseiller cette lecture édifiante et marquante.
Je n’ai qu’un regret : que l’ouvrage ne comporte aucune photo, à part celle de la couverture. Cédric Gras évoque pourtant à plusieurs reprises les clichés qu’il a trouvés lors de ses recherches. J’aurais vraiment aimé en voir quelques-uns.

« De grandes choses s’accomplissent quand les hommes et la montagne se rencontrent » a écrit William Blake. Quand la rencontre se passait en URSS, ces grandes choses ont souvent viré au cauchemar.