Littérature française, Littérature jeunesse

Légendes des lacs et rivières

Légendes des lacs et rivières de Bernard Clavel, 1974


Bernard Clavel a un indéniable talent de conteur, il l’a prouvé à maintes reprises dans ses livres.
Les légendes du monde entier, « fabuleux trésor qui appartient à tout le monde », ne pouvaient que lui donner envie de les reprendre à son compte, d’y ajouter son petit grain de sel, et de nous en livrer sa version.

« Et pour l’avoir fait, je sais aussi que l’on peut, même sans autre auditoire qu’une feuille blanche, prendre là beaucoup de plaisir » nous dit-il dans la préface. Eh bien, le lecteur prend également beaucoup de plaisir à la lecture de ce recueil.

Bernard Clavel a eu la bonne idée de regrouper des légendes ayant l’eau pour point commun, et nous offre un tour du monde bien rafraîchissant.
Les histoires successives sont suffisamment différentes les unes des autres pour que l’ensemble ne soit absolument pas lassant, bien au contraire, et ce livre classé « jeunesse » plaira autant aux plus jeunes qu’aux adultes qui sont restés de grands enfants.

« Seuls les lecteurs pourront dire si le pain est bon, mais, ce que je puis affirmer c’est que la pâte est d’une infinie richesse, que le levain a encore toute sa force, et qu’à pétrir ainsi, en toute liberté, j’ai retrouvé le parfum de mon enfance et la couleur des contes qui ont donné naissance à mes plus beaux rêves. » peut-on lire dans la préface : monsieur Clavel, j’ai trouvé votre pain succulent, merci !

Littérature britannique, Littérature jeunesse

Nounou renard

Nounou renard de Georgie Adams, 1996


Séquence nostalgie !
Nounou renard fait partie de ces livres jeunesse pour lesquels j’ai une tendresse particulière. Parce que tant de souvenirs y sont attachés, tant de moments de partage, blottis bien au chaud sous la couette à lire avec mes enfants.

Nounou renard
 a longtemps caracolé en tête du classement.
Je revois la scène encore très nettement.
Moi : « Qu’est-ce qu’on lit ce soir ? »
Les enfants : « Nounou renardNounou renard ! »
Et zou, c’est parti pour une énième lecture : quand on aime, on ne compte pas.
Je connais des passages (voire tout le livre !) par coeur, mon petit public aussi, et gare à moi si je change un mot du texte : je me fais gentiment mais fermement rappeler à l’ordre.

L’histoire est amusante, bien écrite, et les illustrations sont adorables.
Mais il existe d’autres livres jeunesse de qualité, alors pourquoi celui-là plutôt que son voisin d’étagère ? Mystère.
Je crois que ce dévolu jeté sur tel livre, tel jeu, ou telle peluche fait partie de la magie de l’enfance. Il ne faut pas chercher d’explication rationnelle, seulement savourer.
Merci pour tous les bons moments passés avec toi. Je t’aime, Nounou renard !

Littérature française, Littérature jeunesse

Le mystère de Lucy Lost

Le mystère de Lucy Lost de Michael Morpurgo, 2015


Le mystère de Lucy Lost n’est pas le premier livre de Michael Morpurgo que je lis : j’ai déjà beaucoup apprécié d’autres titres de cet excellent auteur jeunesse (Cheval de guerreLe jour des baleinesSoldat Peaceful…).
Comme souvent, Michael Morpurgo s’appuie sur un fait historique pour construire son récit. Ici, c’est le naufrage du Lusitania, torpillé par un sous-marin allemand lors de la première guerre mondiale.

L’histoire à deux voix nous transporte dans le temps et l’espace, via une alternance de chapitres centrés sur la vie d’Alfie, jeune garçon habitant les îles Scilly, ou de Merry, petite fille new-yorkaise. Nous sommes en 1915, l’Europe est en guerre, les États-Unis ne sont pas encore rentrés dans le conflit.
L’aspect historique du roman m’a vraiment intéressée, la découverte de la vie des marins et des habitants des îles Scilly également. Michael Morpurgo sait faire vivre dans ses textes des personnages authentiques et attachants. Tout le long du livre, on sait que l’on a sous les yeux une fiction, mais le récit fait tellement vrai, que le lecteur y croit.
L’auteur m’a embarquée dans son histoire, et ma foi, je me suis laissée faire bien volontiers.

Si le « mystère » de Lucy Lost ne reste pas très longtemps mystérieux (au moins pour un lecteur adulte, qui fait vite le lien entre les deux récits), la lecture reste prenante de bout en bout, et l’histoire de Lucy, dévoilée par petites touches est très émouvante.
Michael Morpurgo montre à travers la vie de la famille d’Alfie l’importance du quotidien. Sans être moralisateur, il met en avant le courage, l’honnêteté, l’opiniâtreté, la tolérance et bien d’autres qualités dont font preuve ses personnages.
Il montre également que l’on peut obtenir de grands résultats simplement, par de petits gestes de la vie de tous les jours.

Un fond historique intéressant (complété par quelques annexes bienvenues en fin de livre), une histoire captivante, des personnages touchants : voilà de sérieux atouts pour Lucy Lost.
Si j’ajoute à cela le fait que le texte est très bien écrit, dans une langue soignée, vivante, précise et fluide en même temps, cela commence à faire beaucoup !
Enfin, je remarque avec bonheur que ce petit pavé fait tout de même plus de quatre cent pages : oui, les jeunes lecteurs sont capables de lire ! Oui, les jeunes lecteurs sont capables d’apprécier de vrais romans !
Merci !

Littérature française, Littérature jeunesse

Dernières nouvelles des oiseaux

Dernières nouvelles des oiseaux d’Erik Orsenna, 2004


Ce court roman est inclassable : conte, récit fantastique, texte poétique, fable… bien difficile de choisir une étiquette.
Je vois dans cette impossibilité la volonté de l’auteur de nous faire prendre conscience qu’il ne faut pas chercher à tout cataloguer.
Dans ce livre, il nous montre qu’il faut encore moins étiqueter les gens, et surtout pas les enfants.
Et j’adore cette idée, comme j’aime cette réflexion : « Pourquoi ne pas couronner d’autres enfants ? Qui eux aussi travaillent et se passionnent. Mais dans des domaines qu’ils ont choisi eux-mêmes, hors du cadre de l’école. »
Oui, le talent prend des formes multiples, il ne faut jamais l’oublier !

Les premières pages sont assez déroutantes, et avec mon fils de onze ans avec qui j’avais partagé cette lecture, nous avions plusieurs soirs de suite refermé le livre tout perplexes.
Moi : « Tu comprends ce qui se passe ? »
Mon minou, les yeux brillants : « Non, mais ça me plaît. »
C’est tout à fait ça !
C’est donc avec une envie terrible de savoir que nous avons chaque fois repris le cours de l’histoire.
Et ça, j’aime bien : j’aime quand un auteur permet à mon imagination de vagabonder. J’aime quand il m’emmène, sans que je sache vers où… à condition que j’aie confiance, bien sûr ; ce qui est le cas ici, parce que je sens que l’écrivain sait où il va, lui.
Alors je le suis, et jusqu’au bout, je ne le regrette pas.

Erik Orsenna met en scène sept enfants aux centres d’intérêt et aux talents étonnants : l’un est fou d’escaliers, l’autre est passionnée par les oiseaux, etc. Ces enfants doués mais hors norme vont vivre une aventure exceptionnelle, au cours de laquelle ils découvriront que l’union fait la force.

Une histoire originale et très bien écrite, un récit bien mené. Si j’ajoute que le livre est gai et coloré et que les illustrations très réussies s’accordent vraiment bien avec le texte, cela fait beaucoup de points positifs, non ?
Alors n’hésitez pas, venez vous aussi prendre des nouvelles des oiseaux !

Littérature française, Littérature jeunesse

Michel en plongée

Michel en plongée de Georges Bayard, 1964

Michel en plongée par Bayard

J’ai choisi ce titre parmi les trente-neuf de la série des « Michel », j’aurais pu en prendre un autre.
J’aurais pu également écrire un avis sur d’autres titres emblématiques d’une certaine littérature jeunesse d’autrefois.
Cet article est l’occasion de pousser un gros « coup de gueule ».

Il était une fois des auteurs de livres jeunesse qui savaient écrire des histoires qui captivaient leurs jeunes lecteurs.
Il était une fois des livres jeunesse qui étaient écrits dans une langue riche et belle, avec du vocabulaire précis et recherché, des verbes conjugués à tous les temps (Au passé simple, au plus-que-parfait, au futur antérieur, au subjonctif même !).
Il était une fois des livres que les enfants lisaient avec plaisir et grâce auxquels, mine de rien, ils enrichissaient leur vocabulaire et leur connaissance de la grammaire. Grâce auxquels, mine de rien, ils apprenaient leur langue et apprenaient à l’aimer.
Il était une fois la bibliothèque rose et la bibliothèque verte, deux collections mythiques que presque tous les enfants connaissaient.
En rose : Oui-oui, Le club des cinq, Le clan des sept, Fantômette (du regretté Georges Chaulet) ; en vert : Les soeurs Parker, Jules Verne, L’étalon noir, Michel et tant d’autres.
Il était une fois des livres jeunesse qui ne prenaient pas leurs lecteurs pour d’incultes crétins, mais qui savaient que les enfants aiment se divertir, certes, mais qu’ils ont aussi soif d’apprendre.
Il était une fois…
Et patatras ! Voilà que tout à coup « on » décide que tous ces beaux livres sont trop difficiles à lire, « on » décide que les enfants actuels ne sont plus capables de les lire, « on » décide qu’il faut simplifier les textes.
Alors, simplifions, simplifions ! Allons-y à grands coups de hache.
Envolées les conjugaisons jugées trop compliquées : le présent de narration s’impose. Adieu les descriptions fastidieuses : tranchons dans le vif, sans états d’âme. Aux orties le vocabulaire trop complexe : n’utilisons que des mots courants.
C’est massacre à la tronçonneuse !

Ce Michel en plongée fait partie de mes livres d’enfance que j’ai précieusement gardés, et je m’en félicite. Je l’ai lu et relu avec plaisir avec chacun de mes enfants quand ils étaient en âge de l’apprécier. Et ils l’ont tous adoré.
« Les rames furent découvertes dans la grange, après bien des recherches. Elles étaient munies de leurs tolets. » : et si on ne connaît pas le mot « tolet », les dictionnaires existent, non ?
« Tout à coup, dans le silence seulement troublé par le crépitement des bûches, un appel brisa le charme, tira les jeunes gens de leur contemplation douillette. » : je ne sais pas pour vous, mais moi, je préfère ce genre de phrase à ce qu’on peut lire dans beaucoup d’ouvrages de « littérature » ado ou jeunesse actuelle.
Et bien des jeunes lecteurs aussi, beaucoup plus que l’on croit. Arrêtons de penser que les enfants sont stupides, arrêtons ce vol intellectuel !

Je termine par un petit mot à l’attention des éditeurs.
Éditez de la daube, allez-y ! Simplifiez, simplifiez encore ! Appliquez sans réfléchir les nouvelles consignes en matière d’orthographe ! Vous creusez votre propre tombe : bientôt, plus personne ne vous lira, tout simplement parce que les nouvelles générations ne seront plus capables de lire des textes contentant de vraies phrases et plus de cent mots de vocabulaire.
Et si certains d’entre vous pensent que je ferais mieux de me mêler de mes oignons, tant pis. Je m’en vais bouder et contempler les nénuphars.

Littérature française, Littérature jeunesse, Science-fiction

Virus L.I.V.3 ou la mort des livres

Virus L.I.V.3 ou la mort des livres de Christian Grenier, 1998

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Au début des années quatre-vingt-dix, internet et les jeux vidéos sont en pleine expansion. Beaucoup s’inquiètent alors de la menace que le livre électronique fait peser sur le livre-papier. Certains prédisent même la mort de ce dernier.
Christian Grenier explique qu’à cette époque, quand il intervenait dans des collèges ou des médiathèques, on lui posait souvent la question : « D’après vous, quand les livres vont-ils disparaître ? », comme si en tant qu’auteur de SF il avait la faculté de connaître un peu l’avenir…
Il ajoute : « Je tentais de rassurer mes interlocuteurs. Contrairement à certains de mes collègues ou camarades (comme Alain Grousset, avec qui j’avais fait un pari !), je ne redoutais pas du tout la concurrence des écrans, d’Internet et encore moins celle des e-book. Moi-même amoureux des livres, j’étais persuadé que ceux-ci perdureraient. Mais je devinais chez les intellectuels (écrivains, profs de Lettres, documentalistes, bibliothécaires) une telle angoisse et un tel désir de sauvegarder le livre (et, indirectement, leur emploi) que je résolus de leur répondre… au moyen d’un roman ! »
Voici donc expliquée par l’auteur lui-même la genèse de ce drôle de livre.
Un livre fort sympathique qui a l’avantage d’offrir plusieurs niveaux de lecture. Un roman estampillé « jeunesse », mais qui peut s’apprécier à tout âge.
Les plus jeunes lecteurs y verront une histoire un peu folle, avec des personnages originaux et amusants.
Les moins jeunes apprécieront le clin d’oeil appuyé à Ray Bradbury, dans la dédicace « To Ray Bradbury, of course » et dans le récit. Mais alors que dans Fahrenheit 451 les livres sont interdits par le pouvoir qui se sert des écrans pour gouverner, dans Virus LIV 3, c’est l’inverse : le pouvoir est au mains des Lettrés qui interdisent les écrans.
Il y a beaucoup d’humour dans ce texte, là encore, plus ou moins accessible selon le degré de compréhension du lecteur. Personnellement, j’ai beaucoup aimé les noms des personnages, qui font référence à des héros de romans connus. Si certains, tels Allis L.C. Wonder ou Colin B.V. Chloé se décodent facilement, d’autres m’ont donné plus de fil à retordre… mais, chut… je n’en dis pas plus et vous laisse le plaisir de les découvrir. Christian Grenier a dû bien s’amuser en les inventant, tout comme les nombreux sigles tout droits sortis de son imagination et dont le livre est truffé. Il y a même un glossaire en fin d’ouvrage pour nous les expliquer. Je ne résiste pas au plaisir de vous en donner un : l’AEIOU, qui est l’Académie Européenne des Intellectuels Officiels Unis et dont les membres sont nommés… les Voyelles !
Quel est donc ce mystérieux virus qui efface les lettres d’un livre au fur et à mesure de la lecture, et qui contamine les lecteurs qui le transmettront de livre en livre ? Et, question cruciale pour nous, lecteurs passionnés : les livres vont-ils lui survivre ?
À vous de lire Christian Grenier pour avoir les réponses.
Une lecture distrayante et intelligente, une jolie façon d’initier les jeunes lecteurs à la SF.

Littérature française, Littérature jeunesse

Émile

Émile de Tomi Ungerer, 1960

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Émile est un poulpe.
Son papa est Tomi Ungerer, le célèbre affichiste-publiciste-illustrateur alsacien, à qui l’on doit pas moins de quatre-vingt-dix livres pour enfants, dont le célèbre Les trois brigands.
J’adore Émile !
D’abord parce que j’aime la façon dont il est dessiné, simple et efficace, et que j’aime sa couleur verte.
J’aime ses yeux qui lui donnent toute une série d’expressions : Émile peut être étonné, en colère, déterminé, ou même romantique. Si, si, je vous assure. Un poulpe romantique, vous n’y croyez pas ? Eh bien, Tomi Ungerer l’a fait !
J’aime aussi la façon astucieuse dont il se sert de ses bras selon les circonstances… il faut dire qu’en avoir huit est un sacré atout !
Dans cet album, j’aime aussi l’histoire, pleine d’humour, servie par un texte très bien écrit, au vocabulaire riche. Émile s’adresse aux enfants de maternelle, et je suis ravie d’y trouver des termes tels que scaphandrier, squale, réunions mondaines ou nostalgie. C’est en se faisant lire puis en lisant eux-mêmes ce genre de texte que les enfants apprennent.
Pour résumer : dessins, histoire, texte, Émile a tout bon.
Voilà un petit livre pour enfants de haute qualité.
Au milieu de ma collection bien fournie d’albums jeunesse, Émile occupe une place tout à fait particulière.
J’ai d’autres titres très réussis que j’ai pris plaisir à lire à mes enfants, d’autres histoires amusantes, bien écrites et illustrées avec goût.
Alors, pourquoi particulièrement Émile ?
Là, je dois raconter une anecdote très personnelle.
Mon mari m’a toujours dit qu’il voulait avoir un petit Émile, c’est presque une des premières choses qu’il m’a dites lorsque nous nous sommes rencontrés. Étant une admiratrice inconditionnelle d’Émile Zola, j’ai tout de suite approuvé. Alors, quand après deux filles un petit garçon est arrivé, il a été évidemment prénommé Émile.
Quelques années plus tard, je tombe sur l’album de Tomi Ungerer à la bibliothèque ; je ne le connaissais pas. Amusée par le titre, je l’emprunte pour le lire à mon Émile. Quand mon mari en rentrant à la maison l’a vu, posé sur la table, il a blêmi. Vraiment. Et d’une voix émue a dit « Mais c’est le livre que j’avais quand j’étais petit ! »
Voilà ! Son amour du prénom Émile venait de là, d’un album oublié mais finalement toujours dans un coin de sa mémoire.
Et quand on demande à mon fils s’il s’appelle Émile en référence à Zola, il peut s’amuser à répondre : « Non, non, pas Zola. Le poulpe ! »
Alors, vive Émile Zola (ça, je ne le dirai jamais assez !), vive Émile le poulpe, et vive mon Émile !

Littérature française, Littérature jeunesse

Tistou les pouces verts

Tistou les pouces verts de Maurice Druon, 1957

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Dans la série « petite madeleine », je vous présente Tistou.
Pas n’importe quel Tistou (si tant est que ce prénom soit très répandu !). Mon Tistou à moi a les pouces verts.
J’ai reçu ce livre en cadeau lorsque j’étais enfant, je devais avoir environ huit ans. J’ai été gâtée : je l’ai eu dans une édition magnifiquement illustrée par Jacqueline Duhème.
Entre Tistou et moi, ce fut un véritable coup de foudre.
Je peux dire qu’en tant que lectrice, j’ai grandi avec Tistou. Il m’a fait découvrir à quel point la lecture pouvait vous emporter, vous faire rêver, et je n’ai plus arrêté de lire depuis.
Tistou les pouces verts, c’est mon premier souvenir conscient de lectrice autonome. J’avais lu bien sûr d’autres petites histoires avant, mais avec Tistou, j’ai des souvenirs très nets, très précis. Je me rappelle ma joie devant certaines scènes, mon étonnement devant d’autres, je me rappelle mon émerveillement devant certaines illustrations.
Je l’ai lu un nombre incalculable de fois, prenant à chaque lecture un plaisir renouvelé, et j’en connais encore certains passages par coeur.
En fermant les yeux, je me vois encore prenant mon beau livre pour aller me blottir dans mon petit fauteuil et replonger dans l’univers magique de Tistou.
Ce livre de Tistou les pouces verts m’a accompagnée dans tous mes déménagements, il fait partie de ces rares objets que j’ai toujours gardés. Même si je ne le lisais plus, il était hors de question de m’en séparer.
Devenue maman, j’ai eu à coeur de transmettre le goût de la lecture à mes enfants. Tistou a naturellement fait partie des livres que je leur ai lus. Au début, avec une toute petite appréhension, je l’avoue : allaient-ils l’aimer autant que moi, et surtout, ma lecture d’adulte n’allait-elle pas décevoir mes souvenirs ?
Les réponses à ces questions sont, dans l’ordre, oui et non !
Moi, grande personne avec ses idées toutes faites, comme le dirait Tistou, j’ai énormément apprécié ce conte. Pas seulement parce qu’il faisait remonter un cortège de souvenirs et d’émotions. Je l’ai apprécié pour ce qu’il est : un merveilleux texte, plein de poésie et de fantaisie, et magnifiquement bien écrit.
Avec mes yeux et mon coeur d’adulte, j’y ai trouvé des richesses que je n’avais pas vues de façon consciente lorsque j’étais enfant mais que j’avais certainement ressenties intuitivement.
Cette lecture fut donc une redécouverte, et je suis persuadée que ce livre peut être apprécié à tout âge ; ce serait dommage de le cantonner au rayon enfant.
En tout cas, Tistou les pouces verts est un livre de grande qualité. De la véritable « littérature » jeunesse, contrairement à bien d’autres ouvrages qui s’en revendiquent, alors qu’ils sont mal écrits et bien pauvres de contenu.
Maurice Druon explique dans l’avant-propos : « Il m’amusa, un jour, entre deux tomes des Rois Maudits et comme pour me détendre, de m’essayer à un genre littéraire que je n’avais point encore abordé, et fort éloigné de mes autres ouvrages. »
Eh bien, pour un amusement, le résultat est époustouflant. Et je regrette que l’auteur ne se soit pas amusé plus souvent !
Tistou les pouces verts est un livre jeunesse tout frais, plein d’humour, de tendresse et de poésie. Qui plus est, il est écrit dans une langue sublime. Maurice Druon n’a pas pris ses petits lecteurs pour des idiots, et leur a offert un magnifique texte.
D’ailleurs, il écrit, toujours dans l’avant-propos : « Jamais, dans la vie courante, je ne prends le ton enfantin pour pour parler à un enfant ; je ne l’imagine pas si niais qu’il me faille niaiser pour m’en faire entendre. Quand j’étais petit, et qu’on usait avec moi de cette mauvaise façon, cela me vexait beaucoup, et je pensais, sans bien sûr oser l’exprimer : «Voici un Monsieur bien bête qui éprouve le besoin de s’accroupir pour faire semblant d’être de ma taille.» »
Merci Monsieur Druon d’avoir inventé Tistou !
Merci d’avoir si bien su s’adresser à l’enfant que j’étais et à l’adulte que je suis.
Merci, à travers ce conte merveilleux, de m’avoir ouvert les portes de la lecture.

Littérature irlandaise, Littérature jeunesse

Le garçon en pyjama rayé

Le garçon en pyjama rayé de John Boyne, 2009

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J’ai encore le souvenir épouvantable de la première fois où j’ai vu le film « Nuit et brouillard », à treize ans, sans aucune préparation, sans aucune explication, parce qu’un enseignant avait décrété que les élèves devaient le voir.
Si la question de la Shoah est incontournable et s’il est évidemment nécessaire d’en parler avec de jeunes enfants, des textes crus ou des images chocs ne me semblent pas souhaitables pour un premier contact. Informer et éduquer, oui, choquer et traumatiser, non !
Ce livre, que je viens de lire avec mon fils de dix ans, s’est avéré parfait pour aborder plus en douceur ce douloureux sujet. Nous y reviendrons, bien sûr, mais cette lecture a permis une première approche et a suscité les premières questions, auxquelles je me suis efforcée de répondre de la façon qui me paraissait la plus juste et la mieux adaptée aux capacité de compréhension et à la sensibilité de mon jeune auditeur.
Bruno, fils du commandant du camp d’Auschwitz, nous raconte sa vie. C’est un gentil petit garçon de neuf ans qui cherche des amis avec qui jouer. Il se lie d’amitié avec Schmuel… mais Schmuel habite de l’autre côté de la barrière, et leurs rencontres doivent rester clandestines. Les deux enfants sont très attachants, et il est très facile pour un jeune lecteur de s’identifier à eux.
J’ai trouvé ce procédé particulièrement bien choisi, et c’est ce qui fait selon moi la force du livre. Un jeune enfant se sentira bien plus concerné par ce qui peut arriver à deux personnages de son âge qu’il a appris à aimer au fil des pages, que par le destin de millions de personnes anonymes pour lui. La vérité historique n’est pas trahie, mais elle est abordée d’une façon plus compréhensible. Pour autant, pas de happy end trompeur : la fin est prévisible pour le lecteur adulte informé, mais elle pourra surprendre les plus jeunes et faire naître de nombreuses interrogations auxquelles il faut être prêt à répondre.
Le garçon en pyjama rayé est donc à mon avis un excellent livre, à condition de ne pas laisser le jeune lecteur seul face au texte et face à ses questions.
Une première étape, qui devra être suivies d’autres, dans l’apprentissage d’une des périodes les plus sombres de l’Histoire.